GÁDDAAY – Mbaye Gueye – Suivre les poissons, fuir les gardes-côtes
Les pêcheurs vont là où il y a du poisson. Face à la raréfaction des ressources, les pêcheurs de Saint-Louis se déplacent de plus en plus loin, vers le Sud du pays, ou vers le Nord où ils entrent dans les eaux mauritaniennes, connues pour être encore très poissonneuses.
Les campagnes de pêche sénégalaise en Mauritanie ne sont pas nouvelles. Après les indépendances et jusqu’en 1989, les pêcheurs sénégalais pêchaient librement dans les eaux mauritaniennes. Ils suivaient les bancs de poisson indépendamment des frontières politiques et jouissaient d’un quasi-monopole sur les activités de pêche dans ce pays.
Mais en 1989, suite à des tensions interétatiques entre la Mauritanie et le Sénégal, la frontière maritime entre les deux pays est fermée et la Mauritanie prend conscience de son potentiel halieutique. A la fin des années 1990, sous pression des milieux d’affaire mauritaniens, elle réglemente l’accès à ses eaux avec un système de licences délivrées au compte goutte, chères et limitées au prélèvement des espèces les moins rentables.Ces réglementations sont accompagnées d’une étroite surveillance. Depuis quelques années, des incidents violents entre pêcheurs sénégalais opérant sans licence et gar- des-côtes mauritaniens éclatent régulièrement : confiscation du matériel de pêche, vio-
lences policières et morts. Ces événements sont souvent perçus par le prisme de leur caractère xénophobe et provoquent la colère des pêcheurs qui s’en prennent parfois, en représailles, aux commerçants mauritaniens de Saint-Louis.
Outre le système de licence, les Sénégalais peuvent aussi travailler pour le compte de mareyeurs mauritaniens qui cherchent des pêcheurs expérimentés pour les poissons destinés à l’exportation. Les modalités sont variables, mais généralement défavorables
aux Sénégalais qui, d’indépendants, deviennent des travailleurs immigrés saisonniers, installés dans des campements précaires et pris dans des relation de dépendance vis-à- vis du Mauritanien, voire d’asservissement lorsque les crédits alloués pour l’acquisition d’équipement sont remboursés en force de travail.
Mbaye Gueye, un pêcheur de la Langue de Barbarie, nous raconte sa dernière campagne en Mauritanie et les difficultés qu’il y a rencontrées, notamment la confiscation de sa pirogue l’ayant contraint à cesser son activité. Il évoque également les revendications des pêcheurs qui demandent à leur gouvernement de négocier plus de licences auprès de la Mauritanie mais aussi de développer les infrastructures nécessaires pour faciliter la vente du poisson au Sénégal.