GÁDDAAY — Ami Faye — “J’avais une maison. J’étais autonome.”
Si toute la ville de St Louis est menacée par l’érosion côtière, la Langue de Barbarie est en première ligne face aux vagues. Composée principalement des quartiers de Santhiaba et Guet Ndar, cette langue de terre, connue pour être l’un des lieux les plus peuplés de la planète, est habitée par des familles qui vivent principalement du secteur de la pêche.
L’érosion côtière y est particulièrement agressive avec un retrait de la côte estimé à environ 6m par an. Ce phénomène est en partie naturel, mais son accéleration s’explique surtout par une série de facteurs humains : la fonte des glaces, l’extraction du sable sur les plages, et des politiques d’aménagement urbain inexistantes ou inappropriées.
En février 2018, une houle particulièmement dévastatrice se déverse sur la Langue, et détruit l’école, la mosquée et plusieurs habitations. En l’espace d’une nuit, 59 familles ont dû quitter les lieux pour être relogées d’urgence, d’abord dans des tentes à Xar Yallah puis à Diogoup. Géré par les autorités municipales et la Banque Mondiale, Diogoup se situe à l’écart de la ville et a tout d’un camp de réfugié.es : des alignements de tentes préfrabriquées, une chaleur étouffante, un accès difficile à l’eau et des latrines collectives.
Mais surtout, il se situe à plus de 20 km de la mer. A Saint-Louis, les sinistré.es ne souhaitaient ni quitter leur quartier, où ils vivaient avec leur famille et leurs ami.es, ni le bord de mer, vital pour leur activité économique et au coeur de leur mode de vie. Ainsi, pendant la saison de pêche, beaucoup pendulent quotidiennement pour travailler sur la Langue de Barbarie tandis que d’autres y restent pour la saison. Certain.es ont même commencé à réparer leur habitation projetant de retourner
y vivre définitivement malgré la menace de la montée des eaux.
Face à l’érosion, les autorités ont construit une digue de protection sur la plage. Elles ont aussi prévu de reloger à Diogoup des centaines de personnes qui vivent sur ce que l’on appelle “la bande des 20m”, la plus exposée aux inondations. Ce plan de relogement fait l’objet de nombreuses résistances de la part des habitant.es de la Langue. Loin d’être un
cas spécifique, les études montrent que le relogement soudain et forcé fait souvent l’objet
de contestations.
Maimoua Faye dit Amy , commerçante, originaire de Santhiaba, raconte l’histoire de son déplacement suite à la montée soudaine de la mer en 2018. Elle montre comment un déplacement forcé peut déboucher sur d’autres formes de mobilité à la recherche d’opportunités économiques. Finalement, elle explicite les raisons derrière les mécontentements
face aux propositions gouvernementales.
Texte : Pr. Marion Fresia et Dre. Alice Sala